mercredi 14 mars 2018

Un intrus.
Charles Beaumont.
Editions Belfond.
448 pages.
En librairie depuis le 15 février 2018.

Résumé:

Parue en 1959 aux États-Unis et en 1960 en France, adaptée au cinéma par Roger Corman, une analyse aussi virtuose que glaçante de la montée du populisme pour un Vintage noir choc, qui n'a malheureusement pas perdu une once de son actualité. La petite ville sudiste de Caxton est déboussolée : l'arrêt de la Cour suprême vient de tomber ; désormais, les écoles publiques sont ouvertes aux enfants noirs. On s'étonne, on s'agace, et puis finalement on laisse faire. Jusqu'à l'arrivée d'un intrus. L'inconnu s'installe, intrigue, séduit, et petit à petit distille le poison : des Noirs ? Avec vos enfants chéris ? Vous n'y pensez pas ! Alors on s'invective, on rugit, on brandit le poing. Et puis montent la fureur, la haine, le sang...

Mon avis:

La ségrégation raciale est un thème que j'aime beaucoup retrouver en littérature, car c'une cause très chère à mon cœur parce qu'il me semble impensable de mépriser quelqu'un simplement à cause de sa couleur de peau. Il ne faisait donc aucun doute qu'Un Intrus rejoindrait ma bibliothèque. Merci donc à Belfond pour l'envoi de ce titre.

Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur, encore moins de ce livre qui est paru dans les années 1950, ni de son adaptation cinématographique Je suis donc ravie de constater que de plus en plus souvent les maisons d'édition font le choix de rééditer des romans oubliés ou méconnus pour les faire connaitre aux nouvelles générations de lecteurs. 

L'histoire se déroule à Caxton une petite ville perdue au fin fond du sud des Etats-Unis d'Amérique en 1956 en pleine période ségrégationniste. Pourtant les choses semblent vouloir tendre à évoluer, puisque la cour suprême vient de voter en faveur de l'ouverture des écoles blanches aux noirs. J'ai tout d'abord été très agréablement surprise de voir une telle loi arriver si tôt, à une époque où le racisme est encore très fort, très ancré dans les mentalités. En effet cette décision est bien loin de faire l'unanimité parmi les habitants qui ne voient pas d'un très bon œil le mélange des races dans les lieux publics. 

Je suis toujours choquée de constater l'ignorance et la façon de penser de la majorité des américains blancs de l'époque, qui bien souvent ne savaient même par pourquoi ils se déclaraient supérieurs à la population noire. L'auteur pointe ici du doigt les idées encrées dans les mentalités depuis des générations et des générations souvent sans fondement, mais considérées comme réalistes du simple fait qu'elles sont inscrites dans la constitution. Mais il nous démontre surtout à quel point il suffit d'une étincelle pour réveiller dans les consciences de certains d'entre eux la haine et les rancœurs. L'arrivée d'Adam Cramer un jeune journaliste de Los Angeles censé écrire un papier sur la nouvelle loi en vigueur, va être celui à cause de qui tout va s'enflammer. 

C'est un individu dont nous sommes loin au début de nous méfier. Il semble être au départ un homme agréable, toujours courtois, cherchant à s'imprégner de la ville et à faire connaissance avec ses habitants, mais peu à peu il nous apparaît sous un angle différent. C'est un être en réalité maléfique, un homme  beaucoup plus malin qu'il n'y parait, sournois, menteur, profiteur mais surtout lâche. Un homme qui arrive littéralement parlant à retourner le cerveau des gens en profitant de la crédulité de certains d'entre eux, un homme qui arrive à les amener là où il veut dans le but de les pousser à la rébellion et de déclencher des émeutes tout en restant dans l'ombre.

J'ai rarement autant détesté un individu dans un roman, ni autant ressenti de colère et d'indignation envers un personnage. Si je l'ai détesté j'ai en revanche énormément aimé la psychologie qui se cache derrière cet individu méprisant, influent, sombre et tortueux. On comprend en effet assez vite qu'il souffre d'un réel problème de confiance, une sorte de complexe d'infériorité qui remonte à l'enfance, et qui aujourd'hui à mon sens cherche à obtenir la reconnaissance en empêchant l'élévation de ceux qui comme lui souffrent de persécutions. Cependant selon moi certains passages auraient pu être évités, car je ne les ai pas jugé réellement nécessaires à la bonne compréhension de l'esprit du personnage, comme c'est le cas concernant les passages sur ses rapports avec les femmes par exemple.

C'est une ambiance très lourde qui pèse sur tout le roman, car progressivement la tension monte, la colère des habitants grandit, des membres du Klu Klux Klan font leur réapparition, des plans et des mensonges sont mis en place pour piéger les noirs, et des lynchages sont perpétrés par une communauté qui peine à accepter le changement. Certaines familles commencent à se déchirer comme celle de Tom qui est un des rares à soutenir l'intégration et à prendre des risques pour soutenir la cause des noirs alors que sa femme non, ce que j'ai trouvé très intéressant. 

Je suis en revanche assez déçue de ne pas avoir eu davantage le ressenti de la communauté noire, conduite par le jeune Joey Green. J'aurais apprécié me retrouver un peu plus dans ses pensées face aux incriminations qui leur sont faites, et ne pas uniquement avoir le point de vue des extrémistes sur la question. Nous n'avons finalement que très rarement leur opinion alors que ce sont eux qui sont directement visés, et j'ai trouvé ce constat dommage.

Pour conclure:
Malgré une plume parfois désuète et quelques passages un peu longs et moins intéressants, Un intrus est un  roman puissant qui nous démontre la difficulté à faire changer les mentalités à une époque où la ségrégation raciale est encore très forte, et la manière dont un seul individu peut endoctriner et réveiller la haine de tout un peuple. 



Ma note: 15/20.

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